femme attachant des notes de papier sur un tableau
16.01.2018 - 5 min. Lire

Une ère de devoirs jetables?

L’an dernier, le laboratoire CEE a accueilli une course de conception pédagogique menée par les étudiants, laquelle a permis d’explorer le concept d’apprentissage exponentiel. En particulier, la course était axée sur une inquiétude des étudiants nommée les devoirs jetables. Au cours du cursus scolaire, les devoirs jetables se présentent souvent sous la forme de travaux écrits et de recherches chronophages permettant aux étudiants de s’améliorer et aux enseignants de donner des notes. Il s’agit d’un travail pénible dont les étudiants et les enseignants se plaignent.

David Wiley, généralement vu comme un chef de file éclairé en matière de pédagogie libre, a produit de nombreux écrits concernant ses inquiétudes liées aux devoirs jetables :

« Il existe des devoirs que les étudiants détestent effectuer et que les enseignants détestent noter. Il s’agit de devoirs qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Un étudiant passe trois heures à le créer, puis l’enseignant passe 30 minutes à le noter et l’étudiant s’en débarrasse juste après. Non seulement ces devoirs n’apportent aucune valeur ajoutée au monde, mais ils font perdre de la valeur au monde (Wiley, n.d.). »

Comme David l’indique, les devoirs jetables sont vides de sens pour l’expérience d’apprentissage des étudiants post-secondaires. C’est pourquoi le laboratoire CEE d’eCampusOntario, axé sur l’apprentissage motivé pour une vie pleine de sens, représente le fer de lance d’un projet nommé Apprentissage exponentiel. Ce projet est mené par trois étudiants (Anne Filion, Eric Chung et Danielle Cruz) qui recherchent des manières de donner davantage de sens aux devoirs pour les apprenants.

Il est facile d’imaginer un scénario dans lequel les mêmes devoirs sont réutilisés année après année, exigeant des étudiants un travail identique, encore et encore, sans aucune valeur ajoutée. Et si les étudiants avaient l’autorisation d’exploiter le travail de leurs prédécesseurs pour bâtir quelque chose de nouveau que leurs successeurs pourraient utiliser à leur tour? Prenons l’exemple du monde du travail : un travailleur effectue une tâche qui apporte quelque chose à son employeur et reçoit une gratification en retour. La tâche effectuée contribue probablement aux objectifs de la société : le travailleur se montre utile. Appliquons à présent ce concept à l’enseignement : les étudiants fréquentent les bancs de l’école, effectuent des tâches. La gratification qu’ils reçoivent en retour se compose des notes et (de manière souhaitable) de nouvelles connaissances. Ce qui manque est la contribution. La plupart des tâches effectuées par les étudiants n’ont ni signification ni effet positif autre que l’apprentissage en lui-même. Les travaux ne sont probablement regardés qu’une seule fois par un étudiant aux cycles supérieurs déjà surchargé de travail, sans autre contribution pour l’étudiant, l’établissement ou la société dans son ensemble.

Et si nous insufflions du sens à ces travaux absurdes? Et si les étudiants apprenaient en pratiquant et pouvaient augmenter les connaissances de manière exponentielle? Les étudiants du laboratoire CEE ont imaginé un scénario dans lequel le travail qu’ils effectuent bénéficie au monde entier dans une certaine mesure.

Si nous commençons à voir les étudiants comme des producteurs de connaissance au lieu de consommateurs, les possibilités sociétales de l’enseignement deviennent remarquables. Comme David l’indique également, si les enseignants convertissaient les devoirs jetables en projets et activités qui ajoutent de la valeur au monde, toutes les parties impliquées se sentiraient récompensées à la hauteur du temps et des efforts investis. Je parie également que la motivation et l’engagement des étudiants augmenteraient de manière fulgurante si on leur fournissait l’occasion de travailler sur des projets avec de véritables objectifs.

En novembre 2017, Christina Hendricks, professeure en enseignement au département de philosophie à l’UBC, a prononcé un discours d’ouverture lors du Séminaire et vitrine sur l’apprentissage assisté par la technologie (SVAT) 2017 d’eCampusOntario. Dans cette allocution, elle a souligné le besoin de déplacer l’accent mis sur la consommation de connaissances des étudiants vers leur contribution à celles-ci. Ce déplacement, indique la Dre Hendricks, a le potentiel d’engendrer des conséquences pleines de sens et productives pour la société dans son ensemble.

Comme souligné par de nombreux chefs de file éclairés, les devoirs non jetables pourraient avoir un impact positif sur le monde tout en bénéficiant aux enseignants et aux apprenants. Je dois néanmoins admettre que plusieurs défis liés à ce déplacement de paradigme restent à surmonter :

  • Comment les enseignants et les étudiants peuvent-ils trouver des projets et des possibilités de travail qui profitent aux autres?
  • Comment les établissements peuvent-ils veiller à ce que les projets réels (contributions à valeur ajoutée) n’exploitent pas démesurément le temps des étudiants en n’offrant comme récompense que des notes et de nouvelles connaissances?

Ainsi, la question demeure : comment encourager les enseignants, les gardiens de la connaissance théorique, à prendre des mesures afin d’expérimenter cette forme de pédagogie? Que peuvent faire eCampusOntario ou le laboratoire CEE afin de mettre en lumière les devoirs non jetables?

Pour consulter une liste d’exemples de devoirs non jetables, veuillez visiter ici.

Écrit par Christopher J. Fernlund. Suivez-le sur Twitter @fernfeed.